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Pour la Science d’octobre

Plusieurs articles du « Pour la Science » No 432 de ce mois d’octobre (encore) m’ont particulièrement intéressé.

« La naissance de l’écriture en Égypte » [1] décrit comment cinq « systèmes graphiques » ornant des poteries ou des sceaux ont donné naissance aux hiéroglyphes vers l’an -3250 (notez la précision). Je n’avais jamais vraiment réalisé la différence fondamentale entre des dessins et une écriture. Des dessins figuratifs peuvent être compris par tous, alors qu’une écriture représente les sons d’une langue qui doit être commune aux scribes aux lecteurs. Selon l’auteur de l’article, c’est la méconnaissance de la langue sous-jacente qui empêche de déchiffrer certaines écritures.

« Des failles dans le tableau périodique » [2] tombe à pic pour faire suite à mon article précédent. La découverte de l’Unhexoctium ayant été confirmée et celle de l’élément 117 synthétisé une première fois en 2010 étant attendue, il ne restera plus qu’à obtenir les deux éléments de la sous-couche 8s attendus cette décennie pour terminer l’oeuvre de Mendeleïev commencée en 1869 : toutes les lignes et colonnes du tableau périodique des éléments seront complètes. Si on parvient un jour à produire un noyau contenant plus de 120 protons, il appartiendra à une famille totalement nouvelle : les superactinides. Il est cependant difficile de prévoir les caractéristiques physico-chimiques de ces éléments, car les électrons orbitent autour de ces gros atomes à des vitesses relativistes, ce qui modifie considérablement les caractéristiques attendues en fonction de leur position dans le tableau. C’est la relativité restreinte qui fait que l’Or est jaune, et que le Copernicium situé sous le Mercure dans le tableau a de nombreux points communs avec le Radon.

L’auteur de « Particules et champs sont-ils réels ? » [3], physicien et philosophe, se demande dans quelle mesure les notions indissociables de particules et de champs postulées par la théorie quantique des champs et le modèle standard correspondent à la réalité. Selon la physique, ces entités sont trop différentes de l’image que nous nous en faisons à partir des observations à notre échelle, comme « particule = petite boule de billard » et « champ = espace avec des valeurs en chaque point » alors que l’intrication quantique et les champs quantiques d’opérateurs ne correspondent à rien à notre échelle. Une ontologie de la mécanique quantique susceptible de résoudre ces contradictions serait le réalisme structurel, dans lequel seules les relations, les propriétés ou « structures » existent vraiment, et ce que nous appelons « objets » n’en seraient qu’une émergence. Si j’ai bien compris, une structure combinant une charge négative, un demi-spin et une saupoudrée de masse ferait « émerger » ce que nous appelons un électron.

Personnellement, j’ai découvert que mon empirisme me rend au moins un peu instrumentaliste en découvrant ce passage:

La théorie rend compte de nos observations en termes de quarks, muons, photons et divers champs quantiques, mais elle ne nous dit pas ce qu’est véritablement un photon ou un champ quantique. Et elle n’a pas besoin de le faire, parce que les théories physiques peuvent être empiriquement valables en grande partie sans régler ces questions métaphysiques.

Pour de nombreux physiciens, c’est suffisant. Ils adoptent une attitude dite instrumentaliste : selon eux, les théories scientifiques ne représentent pas nécessairement la réalité du monde. Pour eux, les théories ne sont que des outils pour faire des prédictions expérimentales.

Et je le prouve : quelle expérience permettrait-elle de vérifier si le monde est « structurellement réaliste » plutôt que quantique+relativiste ? Aucune ? Alors cette « ontologie » n’a aucun autre intérêt que de simplifier éventuellement certaines formules. C’est très bien, c’est très beau, mais est-ce suffisant pour prétendre à être plus proche de la réalité ? Pourquoi ne pas accepter que ce soit les propriétés « simples » d’entités macroscopiques comme les boules de billard et les champs vectoriels qui « émergent » des propriétés quantiques ? Enfin, le réalisme structurel ne me semble pas permettre d’avancer sur une question physico/philosophique absolument fondamentale : la nature du temps. Sans ça, toute métaphysique me semble désespérément planante…

les 14 types connus de pavages pentagonaux

L’article de Jean-Paul Delahaye sur les pavages pentagonaux [4] remontera le moral de tous les mathématiciens célèbres qui sommeillent en nous. Imaginez qu’une brave dame nommée Marjorie Rice, passionnée de graphisme a découvert en l’espace de 10 ans quatre manières différentes de paver le plan avec des pentagones après que des mathématiciens professionnels aient plusieurs fois démontré qu’il n’en existait pas plus que ceux déjà connus. Aujourd’hui on connait les 14 pavages ci-dessus, mais il en existe peut-être plus… Un autre amateur, Jaap Scherphuis a listé 97 pavages « 2-isoédriques » dont on ignore si elle est complète. De plus, sa liste de puzzles et casse-têtes est une mine d’articles futurs…

Dans le genre « incroyable mais vrai », Loïc Mangin présente le stupéfiant travail artistique de deux soeurs jumelles qui ont reproduit un récif de corail au crochet. Son article [5] explique que la technique du crochet permet de générer la géométrie hyperbolique typique de nombreuses structures coralliennes. Pour en savoir plus, regardez la conférence TED de Margaret Wertheim.

Récif corallien en crochet de l’Institute for Figuring des soeurs Wertheim

Enfin « L’élagage des souvenirs pendant le sommeil » [6] propose une hypothèse contraire à celle communément admise selon laquelle les souvenirs acquis récemment sont renforcés lors du sommeil. Selon les auteurs, ce sont au contraire les synapses liées aux souvenirs « inutiles » qui sont affaiblies durant le sommeil. Pour eux, le tri des souvenirs « utiles » du « bruit de fond » se fait pendant le sommeil en mettant en correspondance tous les souvenirs acquis pendant la journée avec ceux plus anciens, en les combinant de diverses manières, ce qui provoque les rêves.

Et c’est exactement ce que je vais aller faire maintenant, juste après vous avoir recommandé de foncer au kiosque vous acheter ce numéro passionnant.

Références:

  1. G. Graff, « La naissance de l’écriture en Égypte », Pour la Science, octobre 2013, no. 432, pp. 40–47
  2. E. Scerri, « Des failles dans le tableau périodique », Pour la Science, octobre 2013, no. 432, pp. 66–71
  3. M. Kuhlmann, « Particules et champs sont-ils réels ? » Pour la Science, octobre 2013, no. 432, pp. 56–62
  4. J.-P. Delahaye, « Les pavages pentagonaux : une classification qui s’améliore », Pour la Science, octobre 2013, no. 432, pp. 78–83.
  5. L. Mangin, « Le crochet, le corail et la géométrie », Pour la Science, octobre 2013, no. 432, pp. 86–87
  6. G. Tononi and C. Cirelli, « Oublier pour mieux se souvenir pendant le sommeil », Pour la Science, octobre 2013, no. 432, pp. 24–30

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