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Le rapport suisse sur l’homéopathie

Rapport suisse sur l'homéopathie
Jetez ce livre dans une piscine et buvez un verre de son eau : selon le principe de similitude, ça devrait vous soigner de l’inconduite scientifique…

Sous des titres comme « Le rapport sur l’homéopathie très critiqué« , la presse suisse a récemment mentionné un article de David Martin Shaw publié fin mai dans la Swiss Medical Weekly dans lequel il démonte point par point le rapport [1] qui a servi de justification au remboursement de l’homéopathie par l’assurances maladie obligatoire en Suisse.

En tant que citoyen suisse, je suis effaré que mon gouvernement apporte sa caution à un rapport clairement partial voire frauduleux et réintroduise l’homéopathie avec un alibi pseudo-scientifique. Les explications du Conseil fédéral sur la Votation populaire du 17 mai 2009 stipulaient clairement page 9 sous « Prise en compte des médecines complémentaires dans l’assurance de base »:

« Une large majorité (de parlementaires) s’est accordée sur la nécessité de soumettre les prestations de médecines complémentaires aux critères de l’efficacité, de l’adéquation et de l’économicité »

Non seulement le rapport [1] ne répond pas à ces questions avec l’objectivité requise, mais il risque de jeter le discrédit sur la recherche scientifique helvétique, plusieurs sites homéopathiques clamant désormais que la Suisse a officiellement reconnu l’homéopathie comme efficace. ([9] par exemple)

De plus ce rapport n’a apparemment pas été traduit dans une langue officielle suisse ni mis à disposition gratuitement alors qu’il a été financé par mes impôts. Pour contribuer à révéler publiquement le peu de sérieux de ce rapport, j’ai obtenu l’aimable autorisation de David Martin Shaw (et du Swiss Medical Weekly) de traduire son article en français.

N’étant ni docteur en médecine ni traducteur certifié, ce travail est l’oeuvre d’un traduttore traditore amateur assisté de deux relecteurs bénévoles (merci à Marc et David). Veuillez donc vous référer à l’article original en cas de doute.

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Référence de l’article original : ResearchBlogging.org David Martin Shaw (2012). The Swiss report on homeopathy: a case study of research misconduct Swiss Medical Weekly (142) DOI: 10.4414/smw.2012.13594

Le rapport suisse sur l’homéopathie : une étude de cas d’inconduite* en recherche

David Martin Shaw, Université de Glasgow, Royaume-Uni

Introduction

En 2011, le gouvernement suisse a publié un rapport sur l’homéopathie [1]. Ce rapport a été commandé à la suite du référendum de 2009 par lequel le peuple suisse a décidé que les thérapies alternatives telles que l’homéopathie et d’autres devraient être couvertes par l’assurance médicale privée. Avant la mise en œuvre de cette décision, le gouvernement a voulu établir si l’homéopathie fonctionne réellement. En février 2012, le rapport a été publié en anglais et les partisans de l’homéopathie ont immédiatement proclamé qu’il offrait une preuve concluante que l’homéopathie est efficace. Cet article analyse le rapport et conclut qu’il est scientifiquement, logiquement et moralement erroné. Plus précisément, il ne contient pas de nouveaux faits et interprète de manière erronée des études précédemment dénoncées comme étant faibles, il crée un nouveau standard de preuve conçu pour faire apparaître l’homéopathie comme efficace, et il tente de discréditer les essais contrôlés randomisés comme étalon-or de la preuve. Plus important encore, presque tous les auteurs ont des conflits d’intérêts, en dépit de leurs affirmations selon lesquels il n’en existe pas. Entre autres, ce rapport prouve que les homéopathes sont prêts à fausser les preuves afin de soutenir leurs croyances, et ses auteurs semblent avoir violé les principes des Académies suisses des sciences régissant l’intégrité scientifique.

Mots clés: médecine alternative, éthique, homéopathie, assurance, intégrité en recherche, inconduite en recherche

La « preuve »

Le rapport prend la forme d’une « Évaluation des technologies de la santé » (HTA en anglais), ce qui est différent d’une méta-analyse ou d’une revue systématique.  Les auteurs affirment que c’est une « procédure scientifiquement établie qui […] examine non seulement l’efficacité d’une intervention particulière, mais aussi et surtout son efficacité dans le monde réel, sa pertinence, sa sécurité et son économie. » Cela semble être une tentative de prêter une crédibilité objective au rapport, mais le rapport est très loin d’une HTA typique. Les HTA entreprennent normalement de nouvelles recherches afin d’évaluer l’efficacité d’une nouvelle technologie ou procédure [2], mais le rapport suisse examine simplement les recherches existantes. De plus, il est trompeur de prétendre que les méta-analyses et revues systématiques ne considèrent que l’efficacité ; au contraire, elles comprennent souvent des informations sur le coût et la sécurité, et incluent invariablement aussi des données sur l’efficacité (bien que les auteurs aient peut-être une conception différente de l’efficacité à l’esprit ; voir ci-dessous). En outre, ce que les auteurs entendent par « appropriée » n’est pas clair; s’ils veulent dire « qui bénéficie aux patients », alors les revues et analyses incluent aussi ces données.

La tentative des auteurs de prétendre que leur HTA dépasse la portée d’un examen systématique normal s’explique peut-être par le fait que leur rapport ne comporte pas de nouveaux éléments de preuve. Elle accepte cependant des faits qui seraient normalement exclues d’une analyse typique, comme les « études observationnelles, les bonnes séries de cas et les études de cohorte longitudinales [1] « . L’avantage supposé par l’inclusion de ces sources est qu’elles sont « politiquement plus informatives », un terme ambigu qui n’est pas expliqué. Cependant, l’affirmation selon laquelle les HTA ont la particularité d’inclure ces données est également trompeur, car des examens systématiques peuvent inclure de telles sources de preuves. La principale différence entre les critères de preuve d’une revue systématique et ceux de ce rapport est que le premier n’inclut que des preuves de haute qualité tandis que le second accepte des faits de moins bonne qualité.

La méthode des auteurs pour sélectionner la littérature pour l’analyse est révélatrice. Ils n’ont pas procédé à un examen en ligne parce que « la simple recherche en ligne n’aurait pas été suffisante pour fournir un aperçu représentatif de la recherche homéopathique » [1]. Ils ont donc aussi inclus des « contacts avec des experts et des numérisations de références bibliographiques. » C’est une stratégie de recherche suspecte pour trois raisons. Tout d’abord, toute recherche de haute qualité est presque certainement disponible en ligne. Deuxièmement, l’utilisation de « contacts avec des experts » suggère une méthodologie biaisée et informelle. Troisièmement, les références à des documents qui ne sont pas disponibles en ligne suggèrent des recherches périmées ou qui n’ont pas subi d’examen par les pairs. En outre, il n’est pas clair pourquoi une recherche en ligne n’aurait pas fourni un échantillon représentatif ; il est probable qu’elle l’aurait fait, mais que les résultats auraient montré que l’homéopathie est inefficace.

Comme déjà indiqué, aucun nouveau fait de haute qualité n’est présenté dans le rapport. Au contraire, il tente de réanalyser sous un éclairage plus symathique des études connues pour être imparfaites.

En fait, les auteurs basent leur conclusion que l’homéopathie est efficace sur quatre études qui ont toutes plus de dix ans et qui ont été clairement reconnues comme faibles et erronées (voir référence 3 pour des détails sur les vérifications) [3]. La plupart des auteurs de ces études reconnaissent qu’ils n’ont pas montré que l’homéopathie était efficace, mais cela n’empêche pas les auteurs du rapport de réanalyser ces travaux à la lumière de leur curieux critère d’ « efficacité dans le monde réel » et de certaines études précliniques dont les auteurs prétendent qu’elles lèvent tout doute sur la plausibilité de l’homéopathie. A ce propos, les auteurs affirment que le mécanisme de l’homéopathie « est soutenu par un assez grand nombre de tests de haute qualité dans la recherche préclinique fondamentale », mais que ces études « sont incapables de fournir des explications concernant les autres piliers de l’homéopathie: le principe de similitude et le test du médicament sur le sujet en bonne santé. » [1]. Ainsi, les auteurs estiment que l’homéopathie est plausible grâce à des études précliniques qui n’établissent aucun des principes clés de l’homéopathie et ne montrent aucune efficacité chez les humains. Comment alors peuvent-ils conclure que l’homéopathie fonctionne? Les auteurs réécrivent effectivement les règles normales de validité :

Contrairement à l’idée désormais habituelle que la fiabilité des résultats croît avec la validité interne, nous pensons que – grosso modo – il y a un risque de résultats faussement positifs si la validité externe est surfaite et un risque de résultats faussement négatifs si la validité interne est surfaite. Du point de vue homéopathique, la validité externe de la plupart des études est faible … parce qu’elles ont tendance à ignorer les fondements essentiels de l’homéopathie classique [1].

Cela équivaut à une apologie de l’homéopathie : plutôt que d’admettre que les méthodes normales d’évaluation montrent que l’homéopathie ne fonctionne pas, les auteurs supposent que cela signifie que les méthodes ne fonctionnent pas. Ce thème est permanent dans leur référence à « l’efficacité dans le monde réel. »

« L’efficacité dans le monde réel » et les ERC

Nous avons déjà noté que les revues systématiques et les méta-analyses tiennent souvent compte de l’efficacité. Qu’est-ce donc que les auteurs du rapport entendent par « efficacité dans le monde réel »? Les auteurs affirment que ce critère prend en compte la sécurité alors que les revues systématiques ne le font pas. Nous avons également vu que les examens tiennent en fait compte de la sécurité, mais qu’ironiquement, le rapport lui-même ne le fait pas. Les auteurs déclarent qu’ « une recherche systématique de cas dans la littérature homéopathique et juridique n’a pas été possible en raison de problèmes d’infrastructures, de méthodologie et de temps » [1] Il est plutôt trompeur de la part des auteurs de prétendre que leur critère inclut des éléments que les revues systématiques n’incluent pas, alors que les revues le font et leur propre rapport ne fait pas. Il est également éthiquement suspect de conclure que l’homéopathie est sans danger si aucune revue n’a été effectuée.

Un indice sur la vraie nature de « l’efficacité dans le monde réel » est fournie par une question posée par les auteurs eux-mêmes, à savoir :

Si l’homéopathie est très susceptible d’être efficace, mais que cela ne peut pas être formellement prouvé dans des test cliniques, la question se pose de savoir quelles sont les conditions nécessaires pour que l’homéopathie puisse montrer son efficacité et réaliser son potentiel, et quelles conditions menacent de l’empêcher. [1]

Il est quelque peu surprenant que les auteurs soient assez hardis pour inclure cette question dans le rapport. Ici, ils semblent admettre qu’ils cherchent à montrer que l’homéopathie est efficace et à aider la pratique à se développer, et qu’ils sont prêts à sélectionner n’importe quelles conditions de recherches qui permettront d’atteindre cet objectif. Plutôt que d’accepter que la méthode scientifique montre que l’homéopathie est inefficace, ils font valoir que la méthode elle-même est erronée et créent leur propre méthode pour produire les réponses qu’ils souhaitent. En substance, cela ressemble à un aveu de faute professionnelle* en recherche, et soulève de sérieuses questions sur l’objectivité des auteurs.

Non contents d’affirmer que leur critère d’efficacité est supérieur alors qu’il est en fait biaisé, les auteurs attaquent également la pierre angulaire de la médecine fondée sur les faits: l'essai randomisé contrôlé (ERC). En fait, ils consacrent un chapitre entier du rapport à le faire, bien qu’ils n’aient apparemment pas eu assez de temps pour effectuer une revue de la littérature sur la sécurité. Ironie du sort, certaines de leurs préoccupations sont de nature éthique. Ils soutiennent qu’il est contraire à l’éthique de répéter des ERC lorsqu’un traitement efficace est connu, car certains participants se verraient refuser le meilleur traitement. C’est évidemment vrai, mais n’est pas un argument contre les ERC. Qui voudrait répéter un ERC si le traitement est déjà connu pour être efficace ? Ils font également valoir que le consentement ne compense pas le fait que les ERC ne peuvent pas garantir l'équipoise clinique, et concluent que les autorités n’ont pas le droit d’insister sur les ERC en raison de ces problèmes éthiques. Les auteurs soutiennent donc essentiellement qu’il est contraire à l’éthique d’établir si un traitement donné fonctionne; la plupart des gens pensent le contraire. (Pour les homéopathes, bien sûr, il peut être avantageux de ne pas avoir à établir l’efficacité de leurs remèdes.)

Notez que le seul passage du document où le mot « éthique » est utilisé concerne l’argumentation contre les ERC. Étant donné le grand nombre d’articles soulevant des préoccupations sur les aspects éthiques de l’homéopathie, il est troublant de constater que les auteurs ne mentionnent même pas les questions de préjudice potentiel pour les patients qui choisissent l’homéopathie plutôt qu’un traitement conventionnel efficace, ainsi que le gaspillage de ressources lié au financement de traitements inefficaces, plus le problème de tromper des patients afin d’en bénéficier [4].

Conflits d’intérêts

Étant donné les paragraphes précédents de cet article, personne ne sera surpris d’apprendre que la majorité des auteurs du rapport sont des homéopathes. En fait, un seul des auteurs qualifié en médecine n’est pas un homéopathe ou un praticien de médecine alternative. Bien sûr, le fait que quelqu’un soit homéopathe ne veut pas dire qu’il ne peut pas être objectif sur l’homéopathie, mais le risque potentiel de biais est considérable, et ce potentiel semble avoir été réalisé dans le rapport. Les auteurs du rapport fournissent une déclaration de conflits d’intérêt:

Aucune personne impliquée dans la compilation n’a de conflit d’intérêt, financier ou autre. Chaque fois que des avis d’expert ont été demandés à un médecin qui utilise lui-même la méthode en question, des experts indépendants ont également été consultés [1].

Malheureusement, la première phrase est fausse. Les homéopathes croient que l’homéopathie fonctionne, et en tant que tels ils ont un conflit d’intérêt inhérent lorsqu’ils sont impliquées dans une évaluation de l’homéopathie. Même si ils sont capables d’objectivité, ils ont l’obligation de déclarer cela comme un conflit d’intérêts potentiel. Mais ce n’est pas le principal problème ici. Comme homéopathes, la carrière de beaucoup des auteurs serait compromise si leur rapport indiquait que l’homéopathie ne fonctionne pas. En outre, l’inclusion de l’homéopathie dans le régime d’assurance, qui nécessiterait un verdict favorable du rapport, apporterait des avantages potentiels à un grand nombre des auteurs tant en termes de prestige que d’argent. La déclaration de conflits d’intérêts devrait en fait déclarer que la plupart des auteurs ont des conflits d’intérêts financiers et professionnels. Notez que les auteurs ont non seulement omis de déclarer ces conflits d’intérêts, mais ont également nié leur existence. Si un rapport approuvant un nouveau médicament avait été écrit par les employés d’une société pharmaceutique et qu’ils aient affirmé qu’ils n’avaient pas de conflit d’intérêts, ils seraient méprisés ; il est troublant de constater que la même chose ne semble pas s’appliquer ici. Notez également que dans la citation ci-dessus, les auteurs admettent que la consultation d’un médecin homéopathe constitue un conflit d’intérêts ; il est difficile de comprendre pourquoi ils ne s’appliquent pas cette logique à eux-mêmes.

Un aspect particulièrement inhabituel des conflits d’intérêt des auteurs, c’est qu’ils forment effectivement une partie de leur argumentation en faveur de l’homéopathie. Par exemple, le rapport réinterprète la fameuse étude de Kleijnen et fait valoir que ses conclusions étaient négatives uniquement parce que les auteurs croyaient que le mécanisme de l’homéopathie n’était pas plausible. Compte tenu de leur acceptation (basée sur des tests de laboratoire) que l’homéopathie est plausible, les auteurs prétendent que cela signifie que les résultats de l’étude originale ont été positifs. Ainsi, leur conflit d’intérêts – ils croient que l’homéopathie fonctionne malgré les preuves du contraire – est la clé de leur réinterprétation biaisée des résultats.

L’intégrité scientifique

En plus de nier leurs conflits d’intérêts, nous avons déjà vu que les auteurs du rapport semblent avoir triés sur le volet et mal interprété les preuves sur lesquelles ils voulaient baser leur affirmation selon laquelle l’homéopathie est efficace. Cela peut sembler compréhensible étant donné leur foi dans la médecine alternative, mais c’est en fait une infraction grave à l’éthique. Les Académies suisses des sciences ont publié des lignes directrices sur l’intégrité en recherche. Sur le sujet des conflits d’intérêts, celles-ci précisent :

Toutes les personnes qui participent à un projet de recherche doivent signaler leurs intérêts, financiers et autres, ainsi que leurs liens à leurs supérieurs hiérarchiques, aux instances responsables et à d’autres personnes habilitées, pour autant que leur activité scientifique puisse les placer dans une situation conflictuelle.
Les intérêts personnels ne doivent pas influencer la prise de position objective, lors de l’évaluation de projets et de publications [5] **

Les auteurs du rapport semblent violer ces exigences. Ils nient explicitement les conflits d’intérêts, malgré les enjeux personnels et financiers du résultat du rapport qu’ils écrivent. Les auteurs pourraient objecter qu’ils ne menaient pas une recherche mais une évaluation. Toutefois, les lignes directrices condamnent également « la dissimulation délibérée des conflits d’intérêts … la mauvaise évaluation délibérée ou par négligence de projets, de programmes ou de manuscrits … [et] les jugements sans fondement visant à créer des avantages, que ce soit personnels ou pour le bénéfice de tierces parties « dans les expertises et examens par les pairs. La sélection biaisée des éléments de preuve et l’interprétation sélective des résultats dans le rapport sont à tout le moins négligentes, voire susceptibles d’être intentionnelles. Ceci n’est pas nouveau en l’homéopathie, comme Edzard Ernst l’a souligné:

Les homéopathes prétendent souvent qu’il existe des revues systématiques qui montreraient que l’homéopathie fonctionne. Par exemple la récente [précédente] évaluation de technologie de la santé (HTA) suisse par Mathie. Le problème est que ces articles ne remplissent pas les critères formels pour une revue systématique, proviennent d’homéopathes, sont ouverts à la partialité et peuvent être critiqué sur d’importants points méthodologiques [6].

L’ethos de la ligne directrice de l’intégrité de la recherche est que « l »inconduite scientifique ne doit pas être tolérée. » Dans ce cas, elle n’a pas seulement été tolérée, mais a reçu le sceau de l’approbation du gouvernement suisse et a été utilisée pour influencer la politique de santé : à partir de Janvier 2012, l’homéopathie sera incluse dans la couverture d’assurance maladie, contribuant en partie à une hausse des primes d’assurance jusqu’à 4,4% [7]. Contrastant avec le rapport suisse, l’enquête du gouvernement du Royaume-Uni sur l’homéopathie a entendu le témoignage de deux homéopathes et de deux adversaires de la pratique, et le rapport a été rédigé par un comité indépendant de membres du parlement. Ce rapport est disponible en ligne gratuitement et a conclu que « l’homéopathie ne devrait pas être financé par le NHS et le MHRA devrait cesser d’autoriser des produits homéopathiques » [8].

Conclusion

Le présent article a établi que les auteurs de ce rapport ont adopté une stratégie très inhabituelle dans ce qui aurait du être une appréciation impartiale des faits. Il révèle que leur but n’était pas de fournir une évaluation indépendante, mais de choisir des critères qui conduisent à leur conclusion préétablie selon laquelle l’homéopathie est efficace. À cette fin, ils ont choisi d’adopter un critère hautement discutable d’ « efficacité dans le monde réel », d’ignorer des résultats négatifs concernant l’homéopathie en faveur d’une invraisemblable réinterprétation des résultats, et d’attaquer les ERC. Cette utilisation d’une méthodologie unique et suspecte lors d’une évaluation visant à évaluer les soins de santé est objectivement une source de préoccupation particulière ; on imagine que le gouvernement suisse voulait que l’homéopathie soit jugée par rapport aux normes existantes plutôt que d’en créer de nouvelles spécialement créés pour cette évaluation. Ce faisant, les auteurs ont déformé la preuve et induit en erreur le public ; ces actions, combinées avec leurs conflits d’intérêts, suggèrent fortement qu’ils se sont rendus coupables de faute professionnelle en recherche. Il est extrêmement regrettable que le gouvernement suisse ait légitimé ce rapport en lui attachant son nom, et aussi injuste que le texte en langue anglaise ne soit pas disponible gratuitement pour le public alors qu’il est largement déformé et présenté dans le monde entier comme une preuve de l’efficacité de l’homéopathie [9]. Il reste possible que l’homéopathie soit efficace, mais les auteurs de ce rapport rendent à la pratique un très mauvais service.

Correspondance: David M. Shaw, PhD, MSc, MA, MML, PGCE, Institut d’éthique biomédicale, Université de Bâle, Missionsstrasse 24, CH-4055 Bâle, Suisse, davidmartinshaw [at] gmail.com

References

  1. Gudrun Bornhöft and Peter Matthiessen (eds.) Homeopathy in healthcare: effectiveness, appropriateness, safety, costs. Springer, 2012.
  2. NHS National Institute of Health. Health Technology Assessment programme.
  3. Ben Goldacre. Benefits and risks of homeopathy. The Lancet. 2007;370:1672–3.
  4. David Shaw. Homeopathy is where the harm is. Five unethical effects of funding unscientific remedies. J Med Ethics. 2010;36(3):130–1.
  5. Académies suisses des sciences : L’intégrité dans la recherche scientifique – Principes de base et procédures
  6. Edzard Ernst. Written submission. In: House of Commons Science and Technology Committee (see reference 8), p.88 (Evidence 28).
  7. Swissinfo. Swiss make New Year’s regulations
  8. House of Commons Science and Technology Committee. Evidence check 2: Homeopathy. 2009.
  9. Dana Ullman. The Swiss government’s remarkable report on homeopathic medicine. The Huffington Post.

Note du traducteur:

  • J’ai ajouté quelques liens vers la Wikipédia pour expliciter quelques termes techniques, et mis en gras une citation du rapport qui me parait particulièrement révélatrice.
  • * le terme anglais « misconduct » utilisé plusieurs fois dans le texte recouvre une palette de significations en français.  Je l’ai traduit par « inconduite » dans le titre et par « faute professionnelle » dans le texte.
  • ** paragraphe copié/collé de la version française de la ref. [5]

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