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Histoire d’angles

Combien d’unités de mesure des angles connaissez vous ? Il y a le degré, bien sur, le radian probablement, peut-être le grade, mais encore ?

« Angles, lines, light, and shadows » par Kefindooley sur flickr

Diviser un tour en 360 degrés est une excellente idée qu’a eu un illustre Babylonien anonyme il y a environ 4000 ans. Pourquoi 360 ? D’abord, 360 est un nombre hautement composé  donc facile à diviser, et les Babyloniens comptaient en base 60. D’ailleurs ils divisèrent le degré en 60 minutes, et la minute en 60 secondes d’arc, et mêmes en tierces et quartes. Aussi probablement parce que 1° est un petit angle, mais un angle encore facilement mesurable à l’oeil: le diamètre angulaire de la Lune et du Soleil sont proches de 0.5°. Hipparque de Nicée trouva ces unités tellement pratiques et les publia si bien que le degré, la minute et la seconde sont aujourd’hui toujours les unités d’angle les plus utilisées. Il me semble bien que ce doit être la plus ancienne unité de mesure encore en usage, et de très loin.

Le radian a probablement été découvert le jour où l’illustre inventeur oublié de la roue a mesuré son rayon avec une ficelle et enroulé la ficelle sur le périmètre de son oeuvre. Il y ensuite été implicitement utilisé par tous les géomètres de l’Histoire, mais ce n’est qu’en 1873 qu’un dénommé James Thomson imprima le mot « radian » sur des questions d’examen à ses étudiants 1,2. Le radian est une unité purement géométrique, directement liée à pi et indépendante de toute convention humaine. C’est pourquoi l’article de la Wikipedia sur le radian comporte deux informations contestables:

  1. le radian ne vaut pas environ 57,3°, c’est le degré qui vaut environ 0.0175 radians 😉
  2. le radian n’est pas une des unités dérivées du système international, car sa définition est totalement indépendante des unités MKSA, en particulier du mètre.

Le grade par contre est une vraie unité dérivée du système international, car elle est basée sur la définition du mètre de 1791 comme étant la dix-millionième partie d’un quart de méridien terrestre. En définissant un grade comme un 400ème de tour, on parcourait 100 km pour un grade sur une carte Michelin graduée dans ces unités, sur le méridien de Paris évidemment… Voilà donc une unité d’angle assez proche du degré mais moins pratique parce que 400 n’est pas hautement composé (8 diviseurs entiers contre 24 pour 360), et qui est liée à une unité de longueur alors que ni le degré ni le radian ne le sont… Après trois petits tours dans les classes hexagonales, le grade se dirige à grands pas vers la Poubelle de l’Histoire.

Toute cette longue introduction nous amène à une autre unité, peu connue et dont je voulais faire étalage :  le « pour mille d’artillerie ». Il y a si peu d’information sur ce terme que je pensais que ce n’était qu’une fantaisie suisse gravée sur les manivelles des canons que j’ai passé quelques semaines à pointer sur d’inoffensives montagnes sur lesquelles il fallait ensuite grimper pour chercher les obus non explosés qui auraient pu tuer des touristes (russes), voire des vaches. En fait le terme « pour mille d’artillerie » est un helvétisme du mil angulaire, un angle très proche du milliradian. Comme c’est un petit angle, sa tangente est presque égale à sa valeur en radians et vaut environ 1/1000, ce qui aide bien pour l’application sus-mentionnée : on tire à 10’000 m, ça pète 30 mètres à droite, hop, 3 pour mille à gauche, feu ! C’est bon, on peut ressortir les cartes de Jass et déboucher une autre bouteille..

Pour bien faire il faudrait environ 6283 mils par tour, mais 6400 est plus facile à diviser (25 diviseurs), et comme 6400=100 x 2^6, on peut même fabriquer un rapporteur gradué en mils en pliant un papier carré en deux par la diagonale, puis encore en deux par la bissectrice de l’angle de 45° et ainsi de suite plusieurs fois. Bref, le mil combine astucieusement la définition rigoureuse du radian, la divisibilité entière du degré (hélas pas par 3, mais par les puissances de 2 c’est bien utile aussi) et ajoute juste ce qu’il faut du système décimal. Une unité bien pratique, et pas seulement pour tirer sur ses voisins.

Je voulais encore citer d’autres unités d’angle découvertes en rédigeant cet article, notamment  le Du chinois, qui a une définition astronomique intéressante : il correspond au déplacement angulaire moyen du Soleil sur la voûte céleste en 24h, soit 360°/ 365.25 [jours/an], ce qui donne un angle très proche du degré ! Les chinois avaient encore le cun, le chi et le zhang, mais c’étaient des unités pifométriques dont l’utilité se limite au Scrabble.

Références

  1. Trigo Historique
  2. Les origines des notations mathématiques

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